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Philippe Mezescaze

 

 

Philippe Mezescaze est l'auteur de plusieurs romans publiés aux éditions Vermont, Arléa, Exils, Le Seuil, Les Contrebandiers, Le Mercure de France. Il a été le premier amant d'Hervé Guibert. Il a raconté sa rencontre puis sa relation avec l'écrivain dans De l'eau glacée contre les miroirs (Editions du Rocher, 2007) et surtout dans Deux garçons (Mercure de France, 2014).

 

De l'eau glacée contre les miroirs (Editions du Rocher, 2007) est le récit d'un voyage en Egypte que vous avez entrepris et, en même temps, la résurrection, par l'écriture, de ceux que vous appelez « vos morts » (« le roman de mes morts », « j'enlèverais mes morts au désert »). Parmi les figures dont vous célébrez ici la mémoire (Roland Barthes, Pascal, Georges, votre grand-mère), celle d'Hervé Guibert occupe une place particulière. Il est en effet le dernier mort avec qui le voyage au Caire et le récit s'achèvent. Aussi, une photographie d'Hervé à l'âge de 15 ans vient-elle mettre le point final à votre roman. Pourriez-vous expliquer pourquoi, alors que votre livre est hanté par la présence d'Hervé Guibert, vous restez finalement très pudique - et par là délicat - sur les relations que vous aviez entretenues avec lui ?

Hervé Guibert a raconté dans Mes parents notre rencontre adolescente, à La Rochelle, au sein d'une troupe de théâtre, à  l'occasion de la répétition d'une scène du Caligula de Camus : il incarnait le jeune Scipion, j'étais Caligula... Je ne souhaite pas ajouter la voix de mon souvenir, pour le moment encore, au récit que je trouve magnifique et fidèle qu'il en a fait dans son livre.

Dans votre roman, vous évoquez davantage des retrouvailles avec Hervé, retrouvailles qui étaient d'ailleurs souvent «furtives et vaguement désastreuses ». Vous dites, « ce qui nous avait liés, aujourd'hui nous écartait l'un de l'autre». En quoi le Hervé Guibert de La Rochelle était-il différent de celui que vous retrouviez à  Paris ?

A Paris, plus tard, jeunes adultes, nous avons chacun tracé des chemins différents. Hervé avait le désir et la volonté de "devenir quelqu'un", acteur, réalisateur de films, écrivain, de bâtir une carrière, de façonner un personnage. Pour ma part, après la publication de mon premier livre, je suis demeuré dix ans sans rien écrire; je jouissais autrement de ma jeunesse. "Les années du Palace" pour résumer un peu abruptement, m'ont durant toute cette époque intensément occupé. J'avais vingt-quatre ans et je n'avais pas envie d'être sérieux. Lorsque il nous arrivait de nous croiser, Hervé et moi, c'était toujours dans une sorte de stupeur tendre et à  la fois irritée. Nous n'étions plus les amants adolescents d'autrefois; cet amour n'existait plus, il était ridicule d'en perpétuer le deuil. Pourtant, la dernière fois que nous nous sommes vus, un an et demi avant la mort d'Hervé, c'était au vernissage d'une exposition du photographe Bernard Faucon à  la galerie Agathe Gaillard; nous avons, ce jour-là , évoqué "sans désastre" le passé. J'avais tenu aussi à rapporter à  Hervé ce qui m'était arrivé lors d'un de mes derniers retours à  La Rochelle, trois semaines auparavant : Son père, alors que nous nous croisions rue Gargoulleau, devant la maison de ma grand-mère, m'avait dévisagé et puis il avait craché à mes pieds. Je tenais à ce qu'Hervé sache cela. Je raconte la scène dans mon livre.

Enfin, votre roman, De l'eau glacée contre les miroirs, n'aurait-il pas pu s'intituler, comme le journal d'Hervé Guibert, Le Mausolée des amants ?

Mon livre aurait pu s'intituler, plutôt que Le Mausolée des amants, Le Mausolée des amours: Mes morts emmenés aux déserts égyptiens ne sont pas tous des amants. Les personnages qui habitent mon récit en témoignent...


Philippe Mezescaze, par email, le 25 septembre 2007.

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