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Un entretien inédit avec Hervé Guibert

 

Par Jef Boden, le 6 mars 1984, rue du Moulin Vert, Paris

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1984, quand il répond à ces questions, Hervé Guibert a 28 ans. Il a publié six livres. Il évoque sa pratique de l'écriture, l'importance de son journal, la relation qu'entretiennent la réalité et la fiction. Il dit son admiration pour Flaubert. Il parle de photographie, de cinéma, de ses lecteurs. Son oeuvre est déjà là. C'est un document extraodinaire pour quiconque souhaite se plonger dans son travail ou le redécouvrir.

 

Quelques questions à propos de cet entretien...

 

Pouvez-vous nous raconter, Jef Boden, ce qui poussa, en 1984, un belge de langue flamande à rencontrer Hervé Guibert?

 

La littérature a toujours été une passion. Quand un livre me saisit complètement, je veux aller plus loin: écrire un article, envoyer une lettre à l’auteur, l’interviewer... On m’avait d’abord signalé Voyage avec deux enfants. Au début des années 80 on avait quelques librairies à Anvers avec une belle selection de la littérature française. J’y ai acheté les livres d’Hervé Guibert parus aux Editions de Minuit. Il y a certainement aussi ce côté personnel dans les livres d’Hervé Guibert: le lecteur entre dans ses livres et croit en même temps entrer dans sa vie. Ainsi, il poussait fréquemment les lecteurs vers une confrontation avec aux-mêmes. C’est la force d’un vrai auteur et des livres réussis: le lecteur ne reste pas indifférent. Il est touché dans l’âme même. Rencontrer un écrivain pareil était un rêve et un défi à réaliser.

 

Comment se déroula l'enregistrement de cet entretien ?

 

Le rencontre a eu lieu le 6 mars 1984 chez lui, rue du Moulin Vert. Elle avait été prévue pendant les vacances de Noël mais au dernier moment il a dû quitter Paris. Alors il m’a proposé le 6 mars et il avait très bien compris que je tenais beaucoup à réaliser l'interview. Il écrivait dans sa lettre: “Mais j’espère que vous ne venez pas à Paris juste pour ce rendez-vous car ce serait déraisonnable.” Avait-il raison ? Je n’ai jamais regretté les deux voyages à Paris. Au contraire!

 

Quelle a été la destinée de cet entretien en Belgique ?

 

Le problème se posait après l’entretien. J’avais un texte mais pas de revue. Le journal pour lequel j’écrivais des critiques n’était pas intéressé : en 84 très peu de lecteurs néerlandophones avaient entendu parler d’Hervé Guibert. Aucun livre n'était traduit. Finalement une petite revue littéraire “Appel” a publié l’interview.

 

Quel souvenir gardez-vous de cette rencontre ?

 

Hervé Guibert nous a acceuilli dans son appartement. Il a donné à l'ami non francophone qui m’accompagnait Les grandes vacances de Bernard Faucon pour qu'il passe le temps. Pendant l’interview le téléphone sonnait. Il a répondu et ensuite il a débranché l’appareil avec une quantité d’excuses qui me semblait vraiment exagérée. La politesse et l’amabilité m’ont réellement frappé.

Comme je ne savais pas encore où publier le texte, c’était une situation un peu embarrassante. Il a exprimé sa préoccupation de se retrouver dans un vrai cadre littéraire. Il n’a pas voulu non plus que je prenne une photo de lui. Il m’a instantanément proposé de demander chez l’éditeur la photo qu’il m’a montrée. Et il nous a recommandé de visiter l’exposition de Bouguereau au Petit Palais et de lire aussi les livres d’Eugène Savitzkaya.

Pendant des années j’ai caressé le rêve de lui présenter un jour une traduction en néerlandais. J’ai traduit et essayé de faire publierLes aventures singulières et Voyage avec deux enfants. J’ai reçu des promesses, on m’a fait patienter quelques années, une fois il y avait un éditeur qui avait déjà mis au travail un rédacteur mais à la fin ça n’a hélas pas marché.

 

Jef Boden, entretien par mail avec Arnaud Genon

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