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Hervé Guibert (1955 - 1991)
Hervé Guibert journaliste
Hervé Guibert, écrivain, photographe, était aussi journaliste. Dès 1977, l'auteur de A l'ami qui ne ma pas sauvé la vie (1990) se consacra, dans les pages culturelles du Monde, alors dirigées par Yvonne Baby, à l'écriture d'articles sur la photographie (La Photo, inéluctablement, Gallimard, 1999) mais aussi à des reportages, des entretiens, des enquêtes sur la vie culturelle d'alors, que ces Articles intrépides compulsent et rendent de nouveau accessibles, pour notre plus grand bonheur.
Il est vrai que le présent recueil ne manque pas d'intérêts. Il permet tout dabord de (re)découvrir une des plumes journalistiques les plus singulières de son temps. Hervé Guibert n'était pas de ces journalistes froids et distants qui abordent leurs sujets avec un regard dit «objectif». Ce qu'Hervé Guibert écrit, ce sont des expériences, ses expériences. Souvent donc, il dit «je». Et il ne relate pas seulement ce qu'il a vu, entendu, il nous emmène à ses côtés, nous invite à le suivre, à partager avec lui des instants, des rencontres, des surprises. Le premier article, «Auteur en quête de spectateur», en est un bon exemple. Guibert y raconte, avec ce qu'il faut d'humour et d'autodérision, sa lecture de Suzanne et Louise, au Gueuloir d'Avignon, en 1977. C'est d'ailleurs grâce à cet article, qui séduisit la rédaction du Monde, qu'il put écrire dans le plus prestigieux des quotidiens français.
Cet ouvrage est aussi la formidable occasion d'aller revisiter la vie culturelle du début des années quatre-vingt. Et le parcours que nous propose Guibert est bien celui d'un curieux intrépide qui s'intéresse à tous les domaines de la création de son temps. Il traverse les musées (musée de l'Homme, musée Grévin), visite les coulisses du grand spectacle, interroge tout aussi bien les plus grands philosophes (Gilles Deleuze) que les actrices (Fanny Ardant) ou des réalisateurs tels que Pialat ou Rivette. Pour Guibert, tout est matière à écriture car tout l'intéresse. Il évoque, avec le même enthousiasme, la voix de Maria Callas et celle, «suave», d'Etienne Daho. Car être intrépide, c'est cela pour Hervé Guibert : ne rien négliger de ce qui l'entoure, aller partout et surtout là où on ne l'attend pas car personne n'y est attendu.
Ceux qui ont suivi Guibert pourront lire ces Articles intrépides comme une constituante à part entière de son oeuvre littéraire. En effet, au-delà du travail journalistique, ancré dans son époque, on retrouve ici les obsessions de l'auteur pour les personnages de cire du musée Grévin, pour les aveugles, pour la peinture à travers notamment ses articles sur Balthus, on retrouve son amour du cinéma, son attirance pour les stars (Isabelle Adjani)
. Autant d'éléments qui ont véritablement nourri son écriture et qui font de ces articles l'antichambre ou le prolongement de son travail artistique. On ne manquera pas non plus de mesurer les qualités stylistiques de l'écrivain, la précision de son regard acéré, sa volonté de dire juste et vrai, son humour aussi. Et peut-être se rendra-t-on compte enfin du vide qu'il a indéniablement laissé dans l'univers des lettres françaises.
Arnaud Genon
Mis en ligne le 04.03.2018
Hervé Guibert, Articles intrépides - 1977-1985, Gallimard, 2008
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