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Hervé Guibert (1955 - 1991)
L'Image fantôme, 1981
Paris, Minuit, 1981.
Présentation de la quatrième de couverture :
« Ceux qui se livrent à l'écriture, sans doute, ne peuvent plus écrire comme autrefois, du temps d'avant l'image photographique, télévisuelle, cinématographique. Comme les peintres, les premiers touchés par ces météorites sidérants, ils ont dû les prendre en compte, car l'écriture aussi est une production d'images. Voilà que la photographie est non seulement prise en compte, dans un livre sans photographies, mais emballée, charriée, elle devient un support, un fait d'écriture.
Critique de photo au journal Le Monde depuis 1977, Hervé Guibert raconte ses antécédents photographiques : ses premières images érotiques, une séance de photo avec sa mère dont l'image ne devait jamais être révélée, la lente dégradation de la photo d'un ami condamné, les images fantômes ou cancéreuses, intimes au point d'en devenir invisibles. Il ne s'agit pas d'un texte théorique sur la photographie, mais d'une suite de récits qui explorent, à travers des aventures personnelles, les différents types de photographies : la photo de famille, la photo de voyage, le photomaton, le Polaroïd, la photo porno, la photo policière, la photo divinatoire. Le récit oscille sans cesse entre l'image familiale et l'image amoureuse, les deux pôles nécessaires, ce qui explique la double dédicace du livre, aux parents, et à l'ami, T. Des personnages, en effet, apparaissent autour du narrateur, T., I., F., P., seulement initialés, mais qui pourraient être ceux d'un roman. »
Hervé Guibert à propos de L'Image fantôme :
« Ce qui a déclenché l'écriture, c'était le regret de photos ratées en fait, de photos que je n'ai pas pu faire, de photos qui se sont révélées invisibles, fantomatiques et donc j'ai essayé d'écrire pour retrouver le sentiment que j'avais voulu donner avec ces photos. J'essaye de photographier les gens que j'aime bien ou de faire des photos quand je suis en voyage, un peu comme tout le monde, mais je suis plutôt mauvais technicien donc je rate beaucoup de photos, et j'ai essayé souvent, enfin par l'écriture, de rattraper ce que je n'avais pas réussi avec la photo. »
Transcription d'un entretien radiophonique consacré à la publication de L'Image fantôme, le 1er octobre 1981, rediffusé sur France Culture, en décembre 2005, à l'occasion du 50ème anniversaire d'Hervé Guibert.
Extrait :
« Donc ce texte n'aura pas d'illustration, qu'une amorce de pellicule vierge. Et le texte n'aurait pas été si l'image avait été prise. L'image serait là devant moi, probablement encadrée, parfaite et fausse, irréelle, plus encore qu'une photo de jeunesse : la preuve, le délit d'une pratique presque diabolique. Plus qu'un tour de passe-passe. Car ce texte est le désespoir de l'image, et pire qu'une image floue ou voilée : une image fantôme. »
Hervé Guibert, L'Image fantôme, Paris, Minuit, 1981, pp.17-18.