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Hervé Guibert (1955 - 1991)
Vous m'avez fait former des fantômes (1986)
Paris, Gallimard, 1987.
Présentation de la quatrième de couverture :
« Des hommes infâmes hantent les crèches et les orphelinats pour capturer des innocents, et les dresser au combat. 'Beaucoup de jeux de nuit ’, prescrivait Rousseau dans son Emile pour l’éducation des enfants. Tonsure, étuve, tatouage : les enfants ne sont plus que des numéros estampillés sur leurs flancs, qui se répètent sur la toile de jute des sacs où ils se pelotonnent, entravés, les yeux bandés, suspendus à des crochets. Mais un de ces chiffres est maudit, et les brigands se le refilent comme une poisse, une faiblesse, une attirance inavouable. ‘ S’abandonner au jeu des garçons, c’est comme un loup, se coucher sur un lit de fleurs mourantes ’ : tel est le dicton qu’inventait au XVIIème siècle le japonais Saikaku. Au XVIIIème siècle, Sade écrit à sa femme dans une lettre de prison : ‘ Vous m’avez fait former des fantômes qu’il faudra que je réalise. ’ Au XIXème siècle, un manuel pour adolescents fixera comme règle : ‘ Le jeu finit lorsque tous les animaux ont été pris par le diable et sont devenus ses chiens. ’ Ces épigraphes balisent les aventures de ce roman, qui a plus d’un personnage dans son sac à métamorphoses : la Vierge, un chasseur de têtes, un montreur d’ours, un impresario, des frères, un maître et son disciple. »
Hervé Guibert à propos de Vous m’avez fait former des fantômes :
« J’ai écrit Vous m’avez fait formes de fantômes en pensant aux chocs exercés sur moi par la lecture, adolescent, de Eden, eden et de Tombeaux pour 500 000 soldats de Guyotat pour l’aspect sexuel, pour le diorama... ainsi que le Cobra de Severo Sarduy, un livre lu vers quatorze ans, à un moment de formation, juste avant de commencer à écrire. »
« Je disparaîtrai et je n’aurais rien caché », entretien avec François Jonquet, Globe, février 1992, p.109.
Extrait :
« Généralement il y avait dans la cave, en alternance et sur deux rangées, deux fournées de sept enfants : ceux qu’on appelait les petits, à peine ravis, à peine fourbis, et les mûrs, prêts pour le combat, grandis et méchants à point, envenimés et aiguisés, le poing leste, la jambe élastique, la dent mauvaise, l’ongle coupant, la tête fonçant en boule comme une massue ; les niais étaient devenus dangereux. Six enfants fournissaient le combat, un septième était prévu en rechange, si une jambe se cassait, si un cœur claquait, souvent le transport en bousillait un. »
Hervé Guibert, Vous m’avez fait former des fantômes, Paris, Gallimard, 1987, p.36.